Le pouvoir de l’image télévisée

La Télévision est certainement le média qui a subit la plus importante évolution depuis sa création, il y a déjà plusieurs décennies, autant dans sa forme et sa conception que dans son contenu. Il est LE média de l’image, et l’être humain est avant tout sensible au visuel. Ainsi, il est normal de réfléchir sur l’influence que la télévision peut exercer sur nos esprits, celle-ci faisant désormais partie de notre quotidien. On pense bien entendu à la publicité, aux images subliminales, à la propagande etc. Nous ne pouvons nous empêcher de penser à Orwell dans 1984, et ses « télécrans » qui observent, surveillent constamment ses spectateurs (qui n’ont pas le droit de l’éteindre). Mais ce n’est pas ce contrôle (pour l’instant encore fictif)dont nous allons vous parler, mais plutôt des Deux Minutes de la Haine, dans ce même roman visionnaire, pendant lesquelles sont projetées à la population des images de propagandes, ce qui provoquera chez les spectateurs, une réaction psychologique, puis physique. Les mots d‘Orwell parlent d’eux-mêmes :
« L’horrible, dans ces Deux Minutes de la Haine, était, non qu’on fût obligé d’y jouer un rôle, mais que l’on ne pouvait, au contraire, éviter de s’y joindre. Au bout de trente secondes, toute feinte, toute dérobade devenait inutile. Une hideuse extase, faite de frayeur et de rancune, un désir de tuer, de torturer, d’écraser des visages sous un marteau, semblait se répandre dans l’assistance comme un courant électrique et transformer chacun, même contre sa volonté, en un fou vociférant et grimaçant. Mais la rage que ressentait chacun était une émotion abstraite, indirecte, que l’on pouvait tourner d’un objet vers un autre comme la flamme d’un photophore. »
Pourquoi citer Orwell ici ? Parce qu’il a été extraordinairement visionnaire, d’une part pour ce qui concerne le totalitarisme et le contrôle des masses au XXe siècle, mais aussi, ce qui nous intéresse ici, sur l’influence et le pouvoir des images télévisées. Il publie 1984 aux débuts de la télévision (1949), mais nous voyons de plus en plus que ce média franchit des limites que nous ne pouvions imaginer il y quelques décennies seulement, et qui se rapprochent dangereusement des Deux Minutes de la Haine.

Extrait du film 1984, de Michael Radford, (sortie en 1984 !), pendant les Deux Minutes de la Haine :
http://www.youtube.com/watch?v=8OUlbYVVv3o&feature=related
Le documentaire qui suit, « Le Temps de cerveau disponible » diffusé en 2010, retrace l’histoire des programmes de divertissements, et nous montre jusqu’où est allé la Télévision, peut être même sans que l’on s’en rende compte. Voilà ce que nous dit le synopsis : « Cruauté, violences psychologiques et sexuelles, humiliations : la téléréalité semble devenue folle. […]A l’aide de spécialistes, dont le philosophe Bernard Stiegler, ce documentaire démontre comment l’émotion a fait place à l’exacerbation des pulsions les plus destructrices. »
« L’exacerbation des pulsions les plus destructrices.. » Ça ne vous rappelle rien ?

http://www.youtube.com/watch?v=8DCbWQW3a88

Le documentaire est principalement axé sur la Téléréalité, mais nous ne pouvons pas vraiment nous en plaindre. Nous avons vu naître la téléréalité et aujourd’hui une majeure partie des programmes télévision sont de ce type. Ce documentaire est très bien construit avec des extraits d’émissions parfois très surprenantes, voire choquantes, on pense par exemple à une émission britannique où l’on pratique des autopsies en direct et devant un public, porte des réflexions intéressantes qui peuvent sans aucuns doute en toucher plus d’un.

La Télévision est image, et ces images sont de plus en plus présentes dans notre quotidien, jusque dans notre vie privée, dans nos foyers, là où nous sommes les plus vulnérables finalement. Ces images nous influencent et nous contrôlent à plusieurs niveaux. Déjà, nous avons tendance à nous adapter à elles, aux programmes qui nous sont proposés, aux horaires de diffusion, etc. Qui n’a jamais organisé sa soirée et son diner en fonction de la soirée cinéma de 20h30 ? Cet exemple est anodin, et sans réelle conséquence grave sur l’individu, mais nous pouvons nous questionner sur l’évolution de ce type de « soumission ».
Ce qui est à craindre et que nous commençons à constater, c’est la banalisation de certains types d’images, qui repoussent de plus en plus loin les limites de la morale. A la vue du nombre croissant d’images de cadavres, de violences, d’humiliations et même à connotation sexuelle, (notons que la présence de ces images serait inconcevable quelques décennies plus tôt) nous sommes en droit de nous questionner sur l’évolution de la sensibilité du spectateur. En effet, à force d’en voir, nous assistons à la banalisation de ce type d’image, et la sensibilité du spectateur ne s’en trouve qu’amoindrit, et par conséquent nos actes peuvent s’en trouver modifier. Nous nous habituons. Ainsi, le réel pouvoir de ces images, c’est l’adaptation de l’homme à la violence, ou encore à une sexualité, telle qu’on nous la montre. Et notre propos n’est pas uniquement valable pour la Téléréalité. Tous les programmes suivent cette tendance, que ce soit les programmes de fiction, ou même d’information : l’on n’hésite plus à nous montrer les images de guerre par exemple, de combats, de morts. On pense aux images de la pendaison de Saddam Hussein, allégrement diffusées dans les journaux télévisés (le présentateur prévient tout de même encore que « les images qui suivent peuvent choquer »…). Ou encore comme exemple très récent, l’affaire des meurtres de Toulouse et de Montauban par Mohamed Merah. Nous avons pu suivre en direct les événements depuis le premier assaut du RAID jusqu’à la mort du tueur. Tout le long, les journalistes étaient postés à proximité de la maison, la caméra braquée sur les fenêtres de Merah, à la recherche de la moindre parcelle d’image « choc ». Nous voulions voir du combat, nous voulions voir le Raid en action. Nous étions grâce à ces caméras, des spectateurs, des voyeurs finalement, guettant le moindre mouvement. Vous connaissez Cops ? Cette émission de télé-réalité très populaire aux États-Unis suit le travail quotidien de policiers des États-Unis, les montrant le plus souvent à la poursuite de certains délinquants. Ces images nous montre principalement l’action, les courses poursuites, et les arrestations parfois humiliantes.
Mais cette profusion d’images « choquantes » répond aussi à une demande : nous voulons les voir finalement. Plus on nous en montre, plus on veut voir. Et nous voulons que ça aille plus loin ! C’est un véritable cercle vicieux qui dénote d’une tendance de l’humain à un certain voyeurisme.
Ainsi, les images diffusées nous habituent à cette violence, elles nous contrôlent finalement, nous et notre vie privée, au sein même de notre foyer, sans que l’on puisse réellement s’y soustraire. Elles nous submergent, nous sommes envahies par elles et nous sommes soumis à elles à travers les médias et les films. La Télévision agit sur notre quotidien, notre comportement et notre façon de penser et c’est là son pouvoir.

Nous pouvons également mentionner The Truman Show, le célèbre film de Peter Weir, où encore le roman d’Amélie Nothomb, Acide Sulfurique pour aller encore plus loin dans la réflexion du pouvoir de l’image et plus particulièrement de la télévision et sa portée sur l’esprit humain.

Bande annonce de The Truman Show :

http://www.cinemovies.fr/fiche_multimedia.php?IDfilm=4264

Une critique d’Acide Sulfurique : http://www.tamaculture.com/index.php/2010/11/09/acide-sulfurique-amlie-nothomb/

Un blog très intéressant sur « Comment la Télé rend le cerveau humain disponible »
http://cerveau-disponible.blogspot.fr/